L'espace adhérent ne sera plus disponible à partir du vendredi 5 avril à midi, jusqu'à la semaine du 22 au 26 avril

Voir le CSE autrement, ou les enjeux du dialogue social en période de crise

Le CSE est l’Instance de représentation du personnel dans l’entreprise. Cette Instance remplace et fusionne les différentes institutions représentatives du personnel (IRP) : les délégués du personnel (DP), le comité d’entreprise (CE) et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ou, lorsque le cas se présente, la délégation unique du personnel (DUP) ou instance unique.

Ce comité peut parfois être perçu comme une contrainte aux yeux de l’employeur avec son lot de réunions imposées tous les 2 mois et ses procédures strictes à respecter. Bien souvent, en cette période de crise sanitaire, les entreprises établissent les plans de déconfinement, les protocoles de prévention, les ajouts des éléments COVID dans le DUER puis informent et consultent le CSE.

Si l’aspect réglementaire est respecté, qu’en est-il du projet de reprise en lui-même ? Le plan de prévention rassure-t-il les collaborateurs qui devront revenir sur site ? Ou sera-t-il vécu comme trop contraignant et intenable?

Plus que jamais une entreprise, dans ce contexte socio-économique compliqué, a besoin de l’engagement de ses collaborateurs. Redémarrer une production, ou l’intensifier, ne peut se faire sans les salariés et les mois à venir vont nécessiter d’avantage d’investissements.

Chacun est conscient de devoir tout faire pour assurer le redémarrage de la production en intégrant de nouveaux paramètres de prévention pour lutter contre l’épidémie. Malheureusement, la vision strictement réglementaire du CSE peut impliquer une posture limitant la collaboration. En effet, l’aspect consultatif de cette instance se limite trop souvent aux votes de différentes décisions et plans déjà établis. L’échange est alors contraint par la rigidité du cadre administratif mais aussi par le contenu préétabli des éléments de discussions. Ainsi, les représentants du personnel disposent des documents étayant les discussions avant la réunion et la préparent en analysant ces documents pour lesquels bien souvent ils n’y ont pas participé en amont. L’échange se limite alors d’une part à la direction qui propose les projets nécessaires à l’activité de l’entreprise et d’autres parts à des représentants du personnel qui vont relire et analyser un projet déjà finalisé, ce qui induit de fait une posture critique.

Lorsque l’on regarde cette situation sous l’angle de la prévention, on peut regretter la sous exploitation de cette instance. D’une part, les délégués du personnel sont des élus cadre et non cadre. Ils représentent les différentes catégories de salariés de l’entreprise et ont une légitimité au sein du collectif. Leur pleine implication dans un projet va favoriser son adhésion par l’ensemble du collectif de travail. D’autre part, ces membres du CSE, sont des salariés porteurs de règles et de valeurs de métiers, bien souvent tacites. Ils se sont inscrits dans une démarche volontaire d’amélioration des conditions de travail et sont sensibles à la prévention. Ainsi, la conception d’un projet en collaborant avec les élus, bénéficie de l’enrichissement de la connaissance du terrain, de l’activité réelle de ses règles et des valeurs de métiers bien au-delà de la tâche prescrite. Il s’agit alors de co-construire un référentiel commun d’objectifs et de moyens permettant de mettre en œuvre le plan de prévention le plus adapté à l’entreprise.

Enfin, lorsque l’on manage un changement dans l’environnement physique ou organisationnel d’individus, ce qui est notamment le cas pour répondre aux nouvelles normes sanitaires visant à empêcher la propagation du virus, l’adhésion de tous est nécessaire (Direction, Représentant du Personnel, Salariés). Mais si la communication n’est que descendante et consultative, on perd la possibilité précieuse de réagir et même d’anticiper les éléments de l’activité qui appellent au réajustement des pratiques. Le CSE, consulté régulièrement, peut permettre d’éviter cet écueil.

Alors, comment favoriser ce dialogue social au sein de l’entreprise ?

Plusieurs pistes d’actions concrètes et efficaces sont possibles même en cette période d’épidémie :

  • Intégrer les membres du CSE directement en phase de projet, en proposant si nécessaire la constitution de groupes de travail restreints.
  • Faire appel à des intervenants neutres, tels que le médecin du travail et/ou son équipe, qui peuvent assurer la cohésion des groupes projets.
  • Des réunions du CSE plus rapprochées pour favoriser la réactivité (une fois par semaine par exemple), des points réguliers avec les organisations syndicales, mails d’information réguliers…
  • Adapter les modalités de réunions : visioconférence ou, à défaut, audioconférence.
  • Maintenir ou renforcer les liens entre représentants (pour certains en télétravail) et salariés. L’employeur peut faciliter les contacts à ce niveau : mails du CSE diffusés aux salariés, mise à disposition des coordonnées des salariés ayant donné leur accord, souplesse dans les heures de délégation nécessaires pour assurer les missions…

En conclusion, toutes les situations de travail relèvent de l’engagement des individus et de l’adhésion du corps social aux projets de l’entreprise. Ce qui est vrai en temps normal est renforcé en période de crise. La mobilisation psychosociale du collectif de travail n’est pas un élément stable et acquis d’avance, elle se renouvelle et évolue pour faire face aux situations réelles. Construire une collaboration efficace avec les instances représentatives de votre entreprise est un facteur favorisant cette mobilisation et l’investissement de vos salariés.

On notera, les travaux de l’OIT sur l’utilité du dialogue social en temps de crise : « Les accords entre travailleurs, employeurs et gouvernements peuvent être d’une grande utilité pour accélérer le processus de redressement après une crise (…) quand les syndicats et les organisations patronales sont associés à la discussion, ces défis deviennent bien plus abordables« .

L’enjeu, à travers un dialogue social de qualité, est d’éviter d’accroître les inégalités de conditions de travail. Plus que jamais, la qualité du dialogue social et la confiance que s’accordent mutuellement les partenaires sociaux sont un gage de cohésion sociale, orientée vers une reprise ou une continuité d’activité nécessaire et sécuritaire essentielle en période de crise.

Liens et ouvrages de références :

  • « La confiance au travail », Laurent KARSENTY
  • « Ergonomie Constructive » , Pierre FALZON
  • « Manuel de psychologie du travail et des organisations », Marc Eric BOBILLER-CHAUMON et Philippe SARNIN
  • « Le travail à cœur », Yves CLOT

A lire aussi